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Vers une transformation audacieuse des systèmes financiers et commerciaux africains 

par Kamagaté Issouf

L’architecture financière et commerciale mondiale traverse une phase de transformation profonde. La fragmentation géopolitique, la montée du protectionnisme, la volatilité des flux de capitaux et une tendance croissante à la démondialisation redessinent les contours de la coopération économique internationale qui prévalaient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est ce que revèle le rapport sur le commerce de la Banque africaine d’import export (Afreximbank), lancé ce mercredi 25 juin, en marge des Assemblées annuelles 2025 à Abuja.

Présenté par Dr Ye mi Kalé, Economiste en chef, ce rapport indique que les évolutions exacerbent la complexité des échanges commerciaux et financiers, créant un environnement instable où les risques se multiplient. Le virage politique vers les droits de douane et les subventions, comme l’illustrent les mesures protectionnistes imposées notamment par l’administration américaine, a provoqué une aversion généralisée au risque, selon le document, affectant les marchés mondiaux et resserrant la liquidité, avec des conséquences significatives pour les économies en développement, particulièrement en Afrique.

Pour les nations africaines, cette période est à la fois une source de défis et une opportunité historique. Les économies du continent font face à un réseau complexe de contraintes structurelles : un déficit chronique de financement du commerce estimé à environ 100 milliards de dollars par an, des dissonances réglementaires, une volatilité des taux de change, une instabilité macroéconomique, ainsi que des vulnérabilités liées à la dette souveraine et aux infrastructures insuffisantes, dit6on. À cela s’ajoutent les biais systémiques dans les systèmes financiers mondiaux, notamment des méthodologies de notation de crédit défavorables et un accès limité aux financements concessionnels. Malgré cela, les institutions africaines telles qu’Afreximbank et l’Alliance des institutions financières multilatérales africaines (AAMFI) renforcent leur rôle en innovant dans le commerce et le financement, contribuant à transformer structurellement les économies africaines.

Le rapport révèle, une émergence de la finance numérique comme un levier essentiel pour renforcer la résilience économique et accélérer la croissance en Afrique. Les portefeuilles mobiles, les applications transfrontalières en temps réel comme M-Pesa, Wave, ainsi que le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), facilitent des transactions rapides et sécurisées sans passer par des banques étrangères, réduisant les coûts et améliorant la traçabilité. Pendant la pandémie de COVID-19, l’argent mobile a permis de maintenir les réseaux d’approvisionnement et la résilience des ménages. Aujourd’hui, ces technologies peuvent catalyser le commerce formel, tandis que l’émission de jetons programmables par les banques centrales pourrait permettre des règlements instantanés en monnaies nationales et réduire la dépendance au dollar, offrant ainsi des amortisseurs plus souples face aux chocs externes.

« Parallèlement, l’architecture financière mondiale se fragmente selon des lignes géopolitiques, modifiant les équilibres traditionnels. La montée en puissance de la Chine, de l’Inde, des États du Golfe et des pays du groupe BRICS crée de nouvelles dynamiques, proposant des alternatives aux institutions classiques comme celles de Bretton Woods », semble résumer l’Economiste en chef. Pour lui, l’Afrique offre des opportunités en matière de capitaux et de négociations, mais comporte aussi des risques accrus de propagation des chocs économiques. Par ailleurs, l’essor des technologies comme la blockchain, la notation algorithmique et la logistique basée sur l’intelligence artificielle pose de nouveaux défis de gouvernance, avec des enjeux liés à la cybersécurité, à la confidentialité des données et aux flux illicites. Le renforcement des capacités et la coopération transfrontalière seront cruciaux pour maîtriser ces risques.

Enfin, la croissance africaine est freinée par des niveaux d’endettement élevés et une dépendance persistante aux emprunts en devises étrangères. La pandémie de COVID-19 a accentué cette vulnérabilité, surtout dans les pays aux marchés de capitaux locaux peu développés. Pour surmonter ces obstacles, il est indispensable de mobiliser les investisseurs institutionnels africains, de renforcer les institutions financières régionales et nationales, et d’adopter des véhicules de financement mixtes et des prêts concessionnels à plus long terme. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) joue ici un rôle central en offrant une plateforme pour l’industrialisation, la transformation numérique et la souveraineté économique, avec un potentiel significatif pour stimuler le commerce intra-africain et réduire la pauvreté. Ainsi, la réponse africaine à ces défis doit s’appuyer sur une reconfiguration audacieuse de ses systèmes financiers et commerciaux afin d’assurer un développement résilient et auto-déterminé.

 

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