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Environnement des affaires en Côte d’Ivoire : Difficile ascension de la part des PME dans la commande publique

par Kamagaté Issouf

Les PME constituent, selon la Banque africaine de développement (Bad), un véritable levier de croissance. Mais, elles sont confrontées à certaines difficultés qui freinent leur développement et réduit la création de richesse.

Le ministre de la Promotion des PME, Félix Anoblé (au milieu); le ministre du Commerce et de l’Industrie Souleymane Diarrassouba (à droite)
Le ministre de la Promotion des PME, Félix Anoblé (au milieu); le ministre du Commerce et de l’Industrie Souleymane Diarrassouba (à droite)

Les Petites et moyennes entreprises et les Petites et moyennes industries (Pme-Pmi), représentent 98% du tissu économique et 20% de la richesse nationale, avec à la clef, 23% des emplois modernes. Une déclaration faite par le ministre du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba, lors de l’inauguration de la Maison des PME, construite par la Société générale de Côte d’Ivoire. Il faut préciser qu’à cette époque Souleymane Diarrassouba occupait le poste de ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME.

En dépit de ce dynamisme, ces entreprises, ayant généralement un chiffre d’affaires de moins de 150 millions et employant moins de 200 personnes, semblent ne pas bien se porter. Leur part dans la commande publique a connu une baisse en 2018.Estimée à 42% en 2017, cette performance est passée à près de 19,1% en 2018, selon les statistiques livrées par le directeur général de l’Agence Côte d’Ivoire PME, Bamba Salimou.

Pourtant, l’Etat espérait booster encore plus la compétitivité des PME au lendemain de l’adoption, en Conseil des ministres, de la loi N°2014-140 du 24 mars 2014, portant orientation de la politique nationale de promotion des PME. Ce texte, selon Félix Anoblé, ministre de la Promotion des PME, stipule en son article 13 ce qui suit : « L’Etat apporte aux PME l’appui nécessaire pour l’accès au financement, aux prestations de services, aux marchés publics, aux sites aménagés, aux pépinières et incubateurs d’entreprise, à la sous-traitance et aux technologies de l’information et de la communication. Conformément à leurs missions, les collectivités territoriales peuvent initier des mesures d’aide et de soutien aux PME», a reconnu Me Paul Arnaud Ekou, vice président du Mouvement des petites et moyennes entreprises (Mpme), qui note d’ailleurs que des efforts sont faits pour améliorer l’offre de compétitivité des Petites et moyennes entreprises.

3e de gauche vers la droite Cissé Abdoul Kader,Payeur général du Trésor, Sangaré Ly Kadidiatou, directrice de l’agence judiciaire du Trésor, Salimou Bamba,directeur général de l’Agence Côte d’Ivoire Pme, Fanny Siaka, Secrétaire du programme de développement du secteur Financier (Pdesfi)
3e de gauche vers la droite Cissé Abdoul Kader,Payeur général du Trésor, Sangaré Ly Kadidiatou, directrice de l’agence judiciaire du Trésor, Salimou Bamba,directeur général de l’Agence Côte d’Ivoire Pme, Fanny Siaka, Secrétaire du programme de développement du secteur Financier (Pdesfi)

Conscient de la richesse que peuvent créer les PME, le gouvernement ivoirien a encore renforcé son soutien en instituant le décret n°2015-525 du 15 juillet 2015 modifiant le décret n°2014-306 du 27 mai 2014 en fixant un quota des marchés publics aux PME et introduisant une marge de préférence (5%) pour la sous-traitance locale. En son article 35-2 de ce décret 2015, il est fait mention de ce que « chaque autorité contractante réserve annuellement aux petites et moyennes entreprises une part dans la limite de 20% de la valeur prévisionnelle des marchés des travaux, de fournitures de biens ou de services ». En outre, dans l’article 53-4 dudit décret, l’Etat introduit une marge de préférence pour la sous- traitance locale de 5 % de l’aménagement des conditions d’exigence et des délais de validité des pièces administratives, ainsi que la réduction ou la suppression des frais de cautionnement provisoire (Article112-4 du décret n°2015-525 du 15 juillet 2015).

De 2015 à 2017, la part des PME dans la commande publique a connu une hausse de 26%. Elle est passée de 16% en 2015 à 42% en 2017, a révélé le payeur général du Trésor, Cissé Abdoulkader. Mais cette hausse n’a pu continuer en 2018, au regard des dires du directeur général de l’Agence Côte d’Ivoire PME. Quels sont les obstacles rencontrés par les PME ?

Quid de l’environnement de la Commande publique

La commande publique est l’ensemble des contrats passés par une personne publique pour satisfaire ses besoins. C’est une notion très large qui englobe plusieurs formes de contrats tels les marchés publics, les délégations de services publics, les contrats de partenariat public/privé, a expliqué Brou Yao Paul, sous-directeur de la Formation et des Appuis techniques de la direction des Marchés publics, au sortir d’un atelier de renforcement des capacités des PME sur les opportunités des marchés publics. Selon le manuel de procédures de la Direction des marchés publics (Dmp), publié en 2014, on peut lire à la page 6 : « les marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales ou les personnes de droit privé mentionné à l’article 2 du code des marchés publics, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ».

A l’article 11 du code des marchés publics 2005, entériné par le décret n°2005-110 du 24 février 2005 portant code des marches publics, il est fixé les conditions d’éligibilité aux marchés publics : « Ne peut être candidat ou attributaire d’un marché que l’entrepreneur, le fournisseur ou le prestataire de services ayant les références et les capacités juridique, technique et financière nécessaires à l’exécution dudit marché et qui ne fait pas l’objet d’une exclusion temporaire ou définitive des marchés publics. ». Mais au point 2 de cet article, il est fait cas de ce que l’entrepreneur, le fournisseur ou le prestataire de services doit également justifier qu’il est à jour de toutes ses obligations fiscales et financières, tant à l’égard des administrations fiscales et parafiscales que de toute collectivité publique. Aussi est-il prescrit de justifier d’un siège au moment de la soumission. En somme, une PME qui souhaite être éligible à un appel d’offres, doit avoir en sa possession un Registre de commerce et de crédit mobilier (Rccm), la preuve d’existence d’au moins cinq ans, la Déclaration Fiscale d’Existence (Dfe), le dossier Cnps à jour, le cautionnement provisoire (minimum de 10 millions FCFA), le statut et le pouvoir du soumissionnaire.

Le processus d’éligibilité aux marchés publics est battu en brèche par d’autres entreprises, qui dénoncent vivement certaines pratiques dans le processus d’appels d’offres.

Me Ekou Paul Arnaud, vice président du Mouvement des petites et moyennes entreprises de Côte d’Ivoire (Mpme)
Me Ekou Paul Arnaud, vice président du Mouvement des petites et moyennes entreprises de Côte d’Ivoire (Mpme)

Pour Me Paul Arnaud Ekou, vice président du Mouvement des petites et moyennes entreprises (Mpme), des structures qui sont l’émanation des entités internationales sont plus à l’aise pour capter certains marchés publics, notamment certaines entreprises marocaines et françaises. « Il ya même des entreprises qui sont liées au pays qui apporte le financement », martèle-t-il ; avant d’ajouter : « L’un des vrais problèmes c’est que nous n’avons pas parfois les ressources techniques et financières pour sauter sur certains marchés. Il ya des entreprises qui viennent avec des fonds propres assez élevés, là ou nous devons aller emprunter du crédit à des taux d’intérêt très élevés. Du coup, nos Pme locales peuvent se retrouver quelques peu désavantagées dans la concurrence face à d’autres entreprises étrangères, surtout dans certains secteurs spécifiques ». Mais, le vice président du Mpme reconnait que certaines Pme/Pmi réussissent à se faire une place au soleil notamment dans le transport et les Btp. Cette opinion est appuyée par Yéo Emmanuel, directeur général de Lynas (une PME qui met en place des solutions pour la promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique), vainqueur du Grand prix de la meilleur PME et lauréat du Prix d’excellence 2018. Ce dernier témoigne : « Nous avons eu des opportunités au niveau de la commande publique. On a même soumissionné pour certains marchés, dont deux ont été sélectionnés récemment. Mais, il y a encore du travail à faire, parce que c’est un parcours de combattant pour la plupart des PME de monter les dossiers jusqu’à l’étape d’une victoire. Il faut simplifier encore les procédures de soumission ».

A côté de Yéo Emmanuel, le cas le plus récent de performance des PME est celui de l’entreprise La route africaine (Lra), qui vient de réaliser, à hauteur de 14,5 milliards Fcfa, le bitumage de l’Axe Adzopé-Yakassé Attobrou, long de 25 Km. Lra est dirigée par Philippe Eponon, qui est aussi le président du Groupement des entreprises de Btp en Côte d’Ivoire (Gibtp). Lors de la décoration des agents de ce groupement, le 23 septembre 2019, le ministre de la Construction, du logement et de l’urbanisme, Bruno Koné a souligné que les Btp ont enregistré en 2017 un chiffre d’affaires d’environ 1 332 milliards Fcfa, avec une contribution à hauteur de 6,4% au Produit intérieur brut (PIB) et devrait atteindre 7,1% en 2019. Le Gibtp a été pour beaucoup dans cette croissance, selon le ministre qui a reconnu que leur contribution au développement économique est un facteur de richesse et de création d’emploi. En témoigne le bitumage de l’axe Adzopé-Yakassé Attobrou, qui a permis de recruter plusieurs jeunes pour les travaux.

Le gré à gré au banc des accusés

« Un marché est dit de gré à gré ou d’entente directe lorsque l’autorité contractante engage les discussions ou négociations qui lui paraissent utiles et attribue ensuite le marché au candidat qu’elle a retenu. Le recours à la procédure de gré à gré doit être motivé et soumis à l’autorisation préalable de la Direction des marchés publics (Dmp) », explique Koné Yaya, expert en passation des marchés à l’Agence Côte d’Ivoire PME

« Au lendemain de la crise postélectorale et même plus de dix ans, la majeure partie des infrastructures étatiques étaient en piteux état, ce qui à motivé un recours aux procédures d’urgence, vue que les délais de passation en procédures normales ne sont pas très souvent maîtrisés », a soutenu Koné Yaya. Pour lui, les marchés de gré à gré sont un mode de marché prévu par les articles 96 et 97 du code des marchés de 2009., explique-t-il. Mais, dans la pratique, ce mode de passation a soulevé des tensions. Ce fut l’exemple du deuxième Terminal à conteneurs du Port d’Abidjan. Un projet lancé en 2012, par le directeur général du Port autonome d’Abidjan, Hien Sié.

El Hadj Ouattara Issoufou, délégué régional de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire dans le Gontougo
El Hadj Ouattara Issoufou, délégué régional de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire dans le Gontougo

Bertin Angora, entrepreneur, président du comité scientifique de la précédente édition des Journées promotionnelles des Pme affirmait «La formule du gré à gré a supplanté des appels d’offres ». Cet avis de Bertin Angora est soutenu par le rapport sur la situation économique de la Côte d’Ivoire, publié par la Banque mondiale, intitulé : « Que la route soit bonne : Améliorer la mobilité », paru en février 2019. Dans ce document, la banque tire la sonnette d’alarme sur les passations de marchés en Côte d’Ivoire. « Il faut toutefois continuer à améliorer les modes de passation de marchés, car un récent audit publié par l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés publics a rappelé que plus de 40% des marchés audités ne respectaient pas toutes les règles en 2016 contre 56% en 201) ». Selon Jacques Morisset, auteur de ce rapport, « l’usage du gré à gré plutôt que des appels d’offres ouverts continuait d’être pratiqué pour environ le 1/3 des marchés ».

Malgré ce qui se murmure, l’évolution de la part des marchés de gré à gré dans les marchés publics de 2013 à 2018 a connu une baisse progressive, selon les chiffres de la Direction des marchés publics (Dmp).. De 43% en 2013 et 30,5% en 2015 elle est passée à 10,02%en 2018, au regard des travaux d’urgences qui ont presque tous pris fin à l’intérieur du pays. Malgré cela, les PME ont éprouvé des difficultés dans la commande publique.

Des avancées, mais…encore du chemin

Pour Issouf Ouattara, délégué régional de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire pour la région du Gontougo, le climat des affaires est satisfaisant en tenant compte des instruments juridiques mis en place par l’Etat et les législations en vigueur dans l’Uemoa. Il relève toutefois la complexité des marchés publics pour les Pme. « Si on nous demande de compétir et nous n’avons pas les mêmes moyens que les concurrents c’est évident qu’on sera les derniers de la classe». Il pense qu’il faut l’intervention de l’Etat pour booster les Pme. Mais, il reconnait néanmoins que la faible compétitivité des PME peut aussi expliquer la baisse de leur part dans la commande publique

Parler de non compétitivité, c’est aussi admettre la difficulté pour certaines PME à monter des dossiers d’appels d’offre. Cette problématique à sa raison d’être, dans la mesure où l’Etat de Côte d’Ivoire, dans sa politique d’appui aux Petites et Moyennes Entreprises a créé par décret l’Agence Côte d’Ivoire PME. Cette agence a pour objectif de servir d’interface entre l’Etat et les Petites et moyennes entreprises (Pme) et accompagne ces dernières dans leur évolution ainsi qu’en améliorant leur accès aux financements et aux marchés etc. L’Agence a organisé en 2019 une série de formations à l’endroit des Pme, dans l’optique de renforcer leurs capacités en matière de conditions et de procédures d’accès à la commande publique. Ces formations ont concerné plus d’une soixantaine de Pme du secteur des bâtiments et travaux publics (Btp) qui représentent 77% des marchés publics en Côte d’Ivoire. Pour Salimou Bamba, directeur général de l’agence Côte d’Ivoire PME, plus les conditions d’accès aux marchés publics deviennent complexes, plus les PME ont du mal à y accéder. Pour lui, les marchés auxquels les PME ont eu accès en 2017, sont les services, qui ne créent pas de grandes richesses ou de valeur ajoutée. Or, pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui aspire à la transformation structurelle de son économie, les Pme doivent miser sur des secteurs qui créent plus de richesses, notamment les secteurs manufacturiers, les technologies etc. Ce qui explique, selon Salimou Bamba, la baisse de la part des PME dans la commande publique en 2018. Même s’il est difficile de quantifier cette baisse, Jean-Marie Ackah, président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) révèle qu’une étude conduite par la CGECI dénommée «Données pour la croissance» a montré que les besoins en financement des PME formelles sont estimés à 3 574 milliards de FCFA alors que l’offre de financement ne couvre que le tiers de ces besoins. Ses propos ont été tenus en mars 2018, lors de la seconde édition du « Ti Dej’ du Patronat », tribune de la Cgeci, autour du thème « rôle de la Bceao dans le développement du Secteur Privé dans l’Uemoa : bilan et perspectives».

La question de la formation, du capital humain est aussi une préoccupation de Bakayoko Mohamed Lamine, vainqueur du concours de l’entrepreneuriat jeune de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire dénommé Cgeci Academy 2015. Patron d’une entreprise qui s’est spécialisée dans la torréfaction à petite échelle du café (Ava Café), ce jeune entrepreneur soutient qu’il préfère plus la formation au financement, parce que « lorsqu’on est formé on peut rationaliser les dépenses de son entreprise plutôt que de dilapider ». Sorti de l’Institut national polytechnique Félix Houphouet Boigny (Inphb) avec un diplôme d’Ingénieur agroéconomiste, Bakayoko Mohamed Lamine a dû enrichir son expérience sur les techniques de gestion, de levée de fonds, le management à la fondation du développement de l’entrepreneuriat de l’Université de Sandford aux Etats Unis, pour être plus aguerri.

Une autre problématique, qui défraie la chronique dans l’univers des marchés publics, c’est le montage de Dossier d’appel d’offres. Selon M. Koné Yaya, expert en passation des marchés et Conseil aux entreprises à l’Agence Côte d’Ivoire Pme, de nombreuses PME éprouvent des difficultés ( pour contracter ou élaborer un business plan) à monter les Dossiers d’Appel d’Offres. En outre, affirme-t-il, certaines entreprises trouvent que la commande publique est une affaire « de grande entreprise » sous prétexte que le règlement des factures des fournisseurs est un parcours de combattant. Il ajoute que parfois, la possession d’un cautionnement provisoire freine la soumission de certaines entreprises. D’un montant minimum de 10 millions, selon la valeur du marché, le cautionnement sert de consignation au cas où le postulant à l’appel d’offre est retenu. Et si les travaux réalisés ne sont satisfaisants, ce montant est d’office confisqué.

En manque de la caution, certaines Pme, essaient de monter des papiers non authentiques, selon Koné Yaya, pour pouvoir acquérir certains marchés. Ce qui soulève la problématique de financement des PME. « Nos Pme ont souvent recours aux banques pour des financements dans le cadre de passations de marchés. L’accès au financement constitue un véritable frein au développement des Pme, même à l’accès aux commandes publiques », affirme M. Ekou, vice président du Mouvement des petites et moyennes entreprises de Côte d’Ivoire (Mpme). D’après les estimations d’Eric Kacou , membre de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci), cofondateur et exécutif en chef du cabinet Es partners, 91% des Pme expriment un besoin de financement, mais seulement 33% s’orientent vers les banques. Le vice président poursuit en affirmant que l’Etat a signé des conventions avec les banques pour accompagner les PME, mais les taux d’intérêts demeurent élevés. Plus grave, dit-il, les Pme qui arrivent à avoir des marchés, ne rentrent pas vite en possession de leur argent, car les délais de paiement au niveau du Trésor sont élastiques.

Le payeur général du Trésor Cissé Abdoulkader a reconnu qu’il avait des retards dans le paiement. Mais, dit-il, grâce aux efforts entrepris dans le cadre de l’amélioration de l’environnement des affaires pour le Doing Business, les délais de paiement n’excèdent plus 90 jours. « Nous avons procédé à un audit des arriérés, qui cumulaient jusqu’à près de 350 milliards Fcfa. Depuis 2012 l’audit a été fait; des factures de 200 milliards Fcfa qui n’ont pas suivies le circuit normal ont été annulées. La différence a été totalement apurée», a expliqué Cissé Abdoulkader.

Pour rappel, en 2017, le nombre des appels d’offres lancés étaient estimés à 1 845 contre 1469 en 2018. Dans le secteur des PME, les marchés approuvés dans le cadre de la commande publique, sont passés de 915,81 milliards FCFA en 2017 à 1189,71 milliards Fcfa en 2018. Précisément 4982 PME étaient concernées en 2017 contre 4835 en 2018.

Le payeur général a aussi affirmé que la question d’accès de financement des PME se pose avec acuité : « Nous avions depuis 2012 fait un grand séminaire à Grand Bassam où nous avons décelé la question de financement comme étant fondamentale. Il a été mis en place un cadre permanent de concertation entre l’administration financière et l’association des banques pour lever les points de blocages et créer plus de synergie entre et les institutions bancaires et les PME afin de leur permettre de participer à la commande publique », a-t-il expliqué. En réalité le cadre permanent de concertation a été mis en place, conformément à la conférence des Chefs d’Etat membre de l’Uemoa, sur instruction de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). L’accompagnement de la Banque centrale aux établissements de crédits pour faciliter l’octroi de prêts aux PME /PMI ; le renforcement des capacités des Pme/Pmi à travers des structures d’appui et d’encadrement qui ont été sélectionnées dans le cadre de ce dispositif et les mesures prévues par l’Etat dans le cadre de la facilitation de la commande publique. Ce sont entre autres les trois piliers de ce dispositif expliqué par Oumar Konaté, chef de service des établissements de crédits à la BCEAO- Côte d’Ivoire. Il faut toutefois relever que l’engagement n’a pas encore pris forme, puisqu’il fallait des sessions de rencontre entre banquiers et Pme pour l’harmonisation des informations et passer à sa phase d’opérationnalisation.

Encore des difficultés

En dépit de tous ces mécanismes tendant à réduire les difficultés d’accès au financement pour les Pme, celle-ci ont encore d’autres préoccupations, qui , selon elles, bloquent l’éclosion de leurs potentialité et les pénalisent dans le cadre de la commande publique. Il s’agit de la pression fiscale. Par exemple « le Bénéfice industriel commercial qui doit être payable dans la seconde année d’existence n’est pas fait pour répondre à nos préoccupations. Une entreprise peut ne pas faire du profit dans se deuxième année, il ya trop de paramètres qui peuvent freiner son avancée. Il faut encore permettre aux entreprises d’être d’abord bien assises avant de commencer à prélever toute sorte de taxe », pense Alphonse Yoro entrepreneur en bâtiment.

Dans l’article 38 de l’annexe fiscale 2018, l’Etat a institué une nouvelle taxe de 0,5% pour les opérateurs de téléphonie mobile et autres structures « Cette taxe s’applique à tous les transferts d’argent réalisés par les opérateurs de téléphonie locaux ou par leurs distributeurs et par les fournisseurs locaux de réseaux de transfert de fonds ou leurs intermédiaires ». Pour le directeur générale des impôts, Ouattara Sié Abou, ces sociétés de téléphonie, en plus de leur activité principale exercent des transferts d’argent. Et « Ces paiements mobiles sont considérés comme des opérations bancaires aux termes de la réglementation de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) », ajoutait-il. Cette décision avait en son temps suscité une vague de contestation. Et L’Etat a finalement opté pour le prélèvement de la taxe sur le revenu global. Mais, contre toute attente, comme pour rejeter ces nouvelles dispositions, les opérateurs de téléphonie mobile ont appliqué au consommateur l’augmentation de 7,2% des taxes de transferts d’argent. Par exemple, chez l’un des opérateurs de téléphonie mobile, un dépôt de 10.000Fcfa, taxé auparavant à 200 Fcfa, s’élève désormais à 270Fcfa. Pour un retrait de la même somme le client devrait désormais débourser 595 Fcfa au lieu de 500 Fcfa précédemment.

Malgré la menace de la Dgi de prendre des sanctions contre toute entreprise qui fera porter cette charge au profit consommateur, rien n’y fît. Ainsi, lors d’un atelier d’informations et d’échanges sur les enjeux et défis de développement du secteur des Télécommunications/TIC en Côte d’Ivoire, tenu , le 25 août 2019, à la Maison de l’entreprise (Plateau), la directrice exécutive de l’Union nationale des entreprises de télécommunication de Côte d’Ivoire (Unetel-CI),Gertrude Koné Kouassi, a invité l’Etat à revoir la fiscalité pour le développement du secteur des télécommunications en Côte d’Ivoire.

L’ex- président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci), Jean Kacou Diagou avait en son temps interpellé les autorités ivoiriennes sur la question, lors d’une conférence de presse à la Maison de la presse à Abidjan-Plateau., autour du thème : la place du secteur privé ivoirien dans la réalisation des grands projets d’infrastructures du Pnd ». Pour lui la pression fiscale est plus forte en Côte d’Ivoire que dans les autres pays de la sous région. « Trop d’impôts tue l’impôt », avait-il prévenu. Il affirme qu’il y a à peine 5 à 10% de la population qui paient l’impôt. Et cet échantillon est toujours matraqué, ce qui empêche les entreprises d’être compétitives », avoue-t-il.

Dans l’annexe fiscale 2018, l’impôt minimum forfaitaire (Imf) a connu également une hausse. De 3 millions Fcfa exigés dans l’annexe 2013, le minimum de perception est relevé à 5 millions. Et le maximum de perception passe de 35 à 50 millions Fcfa, hormis les stations services et des distributeurs de gaz butane. « Il ya problème. Soit ceux qui ont travaillé sur ce texte sont des amateurs, soit ils ne connaissent pas les réalités des Pme Ivoiriennes, ce qui m’intrigue! », avait réagi, le 11 janvier 2018, à Abidjan, Farakhan Moussa Diomandé, président de l’Association ivoirienne des entreprises privées (Aiep), lors de la présentation de cette annexe par le cabinet Deloitte. Le premier vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire (Cci-CI), a eu la même impression que M. Farakhan, en soutenant que « ce nouveau dispositif fiscal aura pour finalité que de faire fuir les entreprises ».

La Direction générale des impôts a justifié ces mesures dans l’introduction de l’annexe fiscale 2018 en ces termes : « les mesures tiennent compte des engagements internationaux de notre pays tant au niveau de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) qu’au niveau de ses rapports avec les partenaires au développement. Le taux de pression fiscale est à relever de 15,6 % en 2016 à 20 % en 2019, afin que la Côte d’Ivoire puisse conclure dans les conditions optimales, les accords avec les bailleurs de fonds internationaux auprès desquels elle s’est engagée (Fonds monétaire international, Banque mondiale, etc.). Dans cette optique, des mesures d’accroissement du niveau des recettes fiscales sont proposées ».

issouf.kamagate@lekiosque-deleco.com

Cette enquête a été réalisée avec l’appui du Programme Dialogue Politique en Afrique de l’Ouest de la Konrad-Adenauer-Stiftung dans le cadre de la mise en œuvre du projet de formation et d’appui aux journalistes pour la couverture des questions économiques

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