- Dans un contexte hyperconcurrentiel, où l’on assiste à une éruption effrénée de fintechs avec le nombre de startups ayant triplé entre 2020 et 2021, parlez-nous de la particularité de SAMA Money ?
SAMA Money est une fintech qui propose une plateforme innovante de paiement et de transfert d’argent simple, conviviale, fiable, accessible et abordable. Nous considérons que notre première particularité par rapport à la concurrence c’est notre ancrage africain. Une initiative 100% africaine par des jeunes africains au service de la promotion de l’inclusion financière et du développement du continent grâce à un outil de paiement mobile au plus près des besoins des populations. Ainsi, dès le départ nous avons supprimé les frais de transfert d’argent. Le client ne paie qu’une modique somme qui représente entre 0,5% et 1% du montant lors du retrait de cash. Nous avons également tenu à maintenir des niveaux de commissions élevées à nos distributeurs malgré cette baisse drastique des frais de retrait. Cela fait de SAMA Money à ce jour, la solution la moins chère du marché et la solution qui rémunère le mieux les distributeurs sur notre marché.
Enfin, l’offre multi-opérateur et la multiplicité des canaux via lesquels le client peut accéder à nos services représentent un grand point différenciant qui permet aux abonnés de tous les opérateurs de pouvoir bénéficier équitablement, à tout moment et en tout lieu de nos services de mobile money. Cette indépendance vis-à-vis des opérateurs téléphoniques est un atout majeur lorsque l’on sait que dans beaucoup de pays africains, les solutions de mobile money des opérateurs téléphoniques sont limitées à leurs abonnés téléphoniques alors même qu’aucun opérateur n’a une couverture totale du territoire. De ce fait, se retrouvent exclues les populations qui sont situées dans des localités où le signal GSM de l’opérateur en question n’est pas disponible. Avec SAMA Money, il suffit d’un seul signal GSM pour que le client puisse accéder à notre solution de mobile money.
- Comment avez-vous démarré cette activité ?
Je tiens à préciser que même si SAMA Money n’a été dévoilé au grand public qu’en 2020, il s’agit en réalité d’une initiative datant de 2011. Nous faisons partie des premiers à avoir cru en ce secteur à une période où le mobile money était encore à ses débuts en Afrique de l’Ouest. Nous avons donc enclenché le projet avec mes associés cofondateurs en partant du constat que le paiement mobile était l’outil qui pouvait combler la gap laissé par les Institutions de Microfinances (IMF) pour accélérer l’inclusion financière.
Lorsque la crise politique et sécuritaire malienne est survenue en 2012, nous avons été contraints de prioriser nos efforts sur nos deux autres entreprises (Trainis et Malijet) et de malheureusement mettre le projet SAMA Money en standby.
Ce n’est alors qu’en 2017 que nous avons relancé les opérations, nous permettant de démarrer la phase de test en 2018 puis la phase pilote en 2019. Le produit a été rendu accessible au grand public en janvier 2020 au Mali en partenariat avec la banque UBA.
- Parlez-nous de SAMA Money en chiffres
SAMA Money aujourd’hui c’est :
– Plus de 30 milliards de FCFA de volume de transaction par mois
– Plus d’un million de clients satisfaits
– Plus de 20 000 points de vente
– Plus de 600 partenaires masters distributeurs
Des données qui évoluent très vite : nous triplons nos chiffres chaque année en moyenne.
- Quelles sont vos cibles ? A partir d’où exerce votre entreprise ?
Notre mission est de répondre aux besoins quotidiens des populations ayant des difficultés d’accès aux produits financiers en leur proposant une alternative adaptée et ainsi développer l’inclusion financière en Afrique. Nos cibles sont de ce fait et avant tout les populations actuellement exclues du système bancaire traditionnel.
Aujourd’hui SAMA Money dispose de 3 filiales situées au Mali, au Burundi et en Côte d’Ivoire. Nos équipes de la Holding sont réparties entre Abidjan et Bamako.
- Avez-vous contracté un prêt ou êtes-vous parti sur fonds propres pour la phase de démarrage ?
SAMA Money est l’exemple parfait de l’importance du capital humain et de l’investissement immatériel.
Bien qu’ayant investi toutes les économies personnelles que j’avais tirées de mes business précédents pour doter la structure de fonds d’amorçage. Cela ne suffisait pas. Il a fallu un capital humain et technique conséquent que représentaient mes collaborateurs pour compléter ce premier investissement. Sans le dévouement et les sacrifices de nos premiers collaborateurs, le projet n’aurait jamais pu voir le jour.
Une fois la phase pilote conduite avec succès, nous avons eu le privilège d’avoir la confiance de personnes de bonne volonté qui ont cru en nous et qui ont accepté de nous soutenir. Parmi eux, M. Birama Boubacar SIDIBE, ex-Vice-Président de la BID (Banque Islamique de Développement) à qui j’exprime toute ma reconnaissance et qui fait partie de nos premiers soutiens. De nombreux amis et investisseurs ont cru en nous dès les premières heures. Leur soutien continue encore aujourd’hui de faire progresser la plateforme.
Nous sommes donc partis de nos fonds propres et avons pu bénéficier de financement de proches et de quelques investisseurs. Par la suite, nous avons obtenu des concours financiers avec notre partenaire bancaire UBA Mali.
- Le financement des PME est un épineux problème qui revient à chaque sommet. Quelle est votre lecture de cette situation ?
Le financement est un élément crucial dans le développement d’une entreprise. Malheureusement dans notre environnement, nous avons très peu de leviers de financement sur lesquels peuvent s’appuyer les porteurs de projets ou les entrepreneurs.
Cependant, nous constatons que l’effervescence actuelle de l’écosystème entrepreneurial africain a entraîné des niveaux record d’investissements sur le continent atteignant les 5,2 milliards de dollars en 2021. Soit une progression de près de 92% selon le rapport 2021 de Partech Africa.
Si cette tendance devrait se renforcer, l’accès à ces fonds n’en restent pas moins difficile, surtout avec la hausse des taux d’intérêt. Un constat qui prend toute la mesure de la nécessité d’une implication des pouvoirs publics pour pérenniser cette dynamique par la mise en place et la démocratisation de mécanismes permettant un meilleur accès au financements locaux.
Il est impératif que nos décideurs mettent un accent particulier sur les mécanismes de financement et de garanties pour supporter les entrepreneurs locaux afin de doter nos pays d’un tissu d’entreprises dynamiques et pérennes. Des entreprises qui puissent pleinement jouir de l’immense opportunité qu’offrent nos marchés et libérer pleinement leur potentiel.
- Quelle est votre recette pour briser ces barrières de financement ?
Pour moi, il n’y a pas d’autre recette que de croire en soi-même et en son projet. Donc n’attendez pas les financements. Lancez-vous avec le peu que vous avez. Vous pouvez être sûrs que les autres vous prendront au sérieux lorsqu’ils constateront que vous ne les avez pas attendus pour prendre des risques dans votre projet.
Un dévouement qui doit néanmoins s’accompagner d’un travail structuré pour toucher les bons investisseurs en s’informant continuellement pour rester au fait des évolutions de son secteur.
- Quelles sont vos ambitions d’expansion ?
Nous avons pour ambition de couvrir l’ensemble des pays de l’UEMOA dans les 5 années qui viennent ainsi que ceux de la zone CEMAC (en Afrique Centrale).
Pour l’instant, nous travaillons d’arrache pieds pour lancer le wallet SAMA Money en Côte d’Ivoire où nous sommes en phase pilote depuis quelques mois. La Guinée et le Sénégal suivront en 2023.
Interview réalisée par Kamagaté Issouf